Niveau 3
Néron Fulvio
Andrea Fulvio, Illustrium imagines,
Rome, J. Mazzochi, 1517, f. XLVII r°, ©Bnf Gallica.

Lorsque vous aurez lu la vie de Néron par Andrea Fulvio, vous pourrez :

  • tester vos connaissances grammaticales sur le texte ;
  • réviser un point de grammaire ;
  • vérifier que vous avez bien compris le texte ;
  • étudier le médaillon ;
  • en apprendre plus sur la vie de cet empereur décrié ;
  • approfondir le dossier de la supposée responsabilité de Néron dans l'incendie de Rome en lisant des textes latins et en étudiant des images.

1. Lisez le texte, en vous aidant des notes (en latin !) et du Gaffiot

1. Domitii Neronis et Agrippinae Augustae filius primus, Claudiae familiae per adoptionem  uitrico Claudio postea paenitente insertus. 2. Trimulus enim patrem amiserat, apud amitam Lepidam nutritus sub saltatore tonsore et cytharedo paedagogis. 3. Vitata semper iubente matre philosophia, aurigandi et scaena agendi studiosus. 4. Incendiarius, matricida, rapax, in aedificando damnosus, sacrilegus uxorum et Senecae praeceptoris occisor, et tandem toto genere humano in se exacerbato sui ipsius interfector. 5. In suburbano Phaontis liberti inter Salariam et Numentanam uiam mortuus, de stirpe Caesaris ultimus. 6. Statilia Messalina, Poppaea et Octavia infra notatis uxoribus, partim necatis, partim eiectis,  omnibus uero prioribus uiris ut desponsatae uel iunctae erant abreptis, nonnularumque maritis occisis uel in exilium actis.

Point de grammaire : l'ablatif absolu

Ce texte comporte plusieurs ablatifs absolus, un tour très fréquent en latin et qui se rapproche du génitif absolu en grec. L'ablatif absolu est une proposition participiale composée au minimum d'un sujet et d'un participe, tous deux à l'ablatif. Le participe a une valeur temporelle. Par exemple, dans le tour toto genere in se exacerbato (phrase 4), toto genere est le sujet, à l'ablatif, exacerbato est le participe, lui aussi à l'ablatif, in se complète le participe. Normalement, le sujet de l'ablatif absolu ne peut avoir une autre fonction dans la phrase, c'est pour cette raison qu'il est dit « absolu ». L'ablatif absolu peut avoir différentes valeurs circonstancielles que l'on rendra dans la traduction :

  • une valeur concessive : uictrico Claudio postea paenitente (phrase 1) : littéralement « son beau-père le regrettant par la suite », d'où « même si son beau-père Claude le regretta par la suite ».
  • une valeur causale : matre iubente (phrase 3) : littéralement « sa mère l'ordonnant », d'où « parce que sa mère l'ordonnait ».
  • une valeur temporelle : toto genere humano in se exacerbato : littéralement « tout le genre humain s'étant irrité contre lui », d'où « comme tout le genre humain s'était irrité contre lui ».

À noter, la dernière phrase dans son ensemble est constituée d'une accumulation d'ablatifs absolus, ce qui n'est pas très correct dans la langue classique.

2. Activités sur le texte

Testez vos connaissances :

Les trois premières questions sont des questions d'analyse qui peuvent vous aider à traduire le texte. Les questions 4 et 5 vous feront réviser la morphologie en vous faisant manipuler des formes, verbale et nominale, dans le texte. Une dernière question concerne le style.

Dans la phrase 2, amiserat, de amitto, is, ere, amisi, amissum est ...

Dans la phrase 3, aurigandi et agendi sont ... ?

Dans la phrase 4, ipsius est le pronom emphatique au ... ?

Le génitif pluriel de rapax (rapax, acis) est ?

mortuus (est), phrase 5, donnerait au présent ?

Quelle figure de style trouve-t-on dans la proposition sacrilegus uxorum et Senecae praeceptoris occisor ? 

Si vous avez fait des erreurs ou si vous voulez en savoir plus, consultez des explications complémentaires.

Traduisez les phrases 2 et 4 en complétant les trous

2. Trimulus enim patrem amiserat, apud amitam Lepidam nutritus sub saltatore tonsore et cytharedo paedagogis. 4. Incendiarius, matricida, rapax, in aedificando damnosus, sacrilegus uxorum et Senecae praeceptoris occisor, et tandem toto genere humano in se exacerbato sui ipsius interfector.

Remplissez les trous.

Parlons latin : répondez aux questions à l'aide de phrases simples

  • Qui sunt Neronis parentes ?
  • Qui a Nerone interfecti sunt ?
  • Ubi mortuus est ?

Ce texte est un véritable portrait à charge à l'encontre de Néron, accusé de nombreux crimes. Pour en savoir plus, consultez un commentaire de la notice biographique

3. Étudions le médaillon

Comprendre la titulature

Néron Fulvio

Dans l'ouvrage Illustrium Imagines, la notice biographique de Néron est accompagnée par un médaillon, qui se veut inspiré d'une pièce de monnaie antique. Ce médaillon est particulièrement intéressant pour la titulature qui entoure le portrait de l'empereur. Cette titulature est très longue, bien que transcrite sous une forme abrégée. Elle correspond bien aux titres que Néron portait à sa mort, en 68. Sous sa forme développée, on pourrait lire (mais cela ne tiendrait pas sur le médaillon) : Imperator Nero Claudius Caesar Augustus Germanicus, Pontifex Maximus, Tribunicia Potestate XI, Pater Patriae. La titulature de Néron ne figurait pas dans son extension maximale sur toutes les monnaies émises du vivant de l’empereur. Elle a varié en fonction de l’acquisition de tel ou tel titre. Les émissions monétaires pouvaient choisir de ne représenter que certains titres. Cette accumulation de titres est remarquable ; elle témoigne de la concentration des pouvoirs et de l’autorité dans les mains de l’empereur. Chaque élément est important et symbolique.

  • Imperator : Néron est salué du titre d’Imperator, à la mort de Claude qui l’a adopté. Il a alors dix-sept ans. Imperator renvoie à l’imperium, le pouvoir détenu par l’empereur. Que ce terme figure en première place dans la titulature est intéressant : Imperator devient en quelque sorte le praenomen de Néron, son prénom. C’est une innovation de Néron qui choisit de faire figurer imperator dans son nom, en 66. Il sera imité par les empereurs qui vont lui succéder.
  • Nero : c’est le cognomen de Néron.
  • Claudius : en référence à Claude, son oncle, qui l’a adopté en 50. Néron prend alors officiellement le nom de Nero Claudius Caesar Drusus. C’est ce à quoi fait référence le début de la notice biographique : Claudiae familiae per adoptionem … insertus.
  • Caesar : c’est le cognomen de la gens Iulia ; le terme Caesar figure dans la titulature des empereurs, pour rappeler l’appartenance à la grande famille des Césars, et donc la légitimité de l’empereur. Néron est le dernier descendant de César à régner, comme l’indique l’auteur de la notice : de stirpe Caesaris ultimus.
  • Augustus : titre décerné à Octave par le Sénat en -27. Il se transmet du premier empereur à ses successeurs et devient le cognomen de tout empereur. Auguste est une figure importante pour Néron : il se plaçait en effet explicitement dans sa continuité en affirmant suivre les mêmes principes de gouvernement.
  • Germanicus : un des noms d’adoption de Néron. Germanicus est aussi le grand-père de Néron.
  • PM = Pontifex Maximus : magistrature religieuse, le « grand-prêtre » est à la tête du collège des pontifes. Depuis Auguste, les empereurs reçoivent tous ce titre de Pontifex Maximus. De la sorte, ils contrôlent la vie religieuse.
  • TRP XI = Tribunicia Potestate Undecim : « titulaire de la puissance tribunicienne pour la onzième fois ». La puissance tribunicienne est une magistrature annuelle, héritée de la période républicaine. Elle est décernée aux empereurs, depuis Auguste. Sa symbolique est forte : la personne de l’empereur est inviolable, on ne peut lui porter atteinte.
  • PP = Pater Patrie : Le titre de « Père de la patrie » a été décerné à Néron, à la mort de Claude. Néron l’a d’abord refusé, en raison de son jeune âge, et peut-être par fausse modestie. Il accepte de le porter quelques années plus tard.  

Comparons avec des représentations antiques

Ric Nero 11 Médaillon 1
RIC Nero 11

Quels éléments de la titulature retrouvez-vous sur cette monnaie, un aureus des années 56-57 ? Les abréviations sont-elles les mêmes ? Comparez avec cette inscription du musée de Cologne qui présente elle aussi la titulature de Néron, sur une forme encore plus développée et sur un support bien différent.

Inscription Cologne Néron Médaillon 2
Inscription du Musée de Cologne, 1er s. ap.

Le visage de Néron : une représentation fidèle ?

Néron Médaillon 3

La notice qui se trouve sous le médaillon ne le décrit pas : elle ne donne aucune information sur le physique de Néron. Il faut se tourner vers Suétone pour essayer de savoir quelle était l’apparence de l’empereur et voir si cette représentation figurée est conforme à la réalité.

Sa taille était médiocre. Il avait le corps couvert de taches et infect, les cheveux blonds, la figure plutôt belle qu'agréable, les yeux bleus et la vue faible, le cou épais, le ventre proéminent, les jambes fort grêles, le tempérament robuste.

Suétone, Vie de Néron, 51

Sur ce portrait, Néron est effectivement figuré avec un « cou épais », ceruice obesa en latin. Un buste en marbre, daté du Ier siècle de notre ère, et conservé au musée du Palatin, représente lui aussi Néron avec un visage plutôt fort :

Un symbole : la couronne de lauriers

Ric Nero 45 Néron Médaillon 4 1
RIC, Nero 45

Sur cette représentation, Néron porte une couronne de laurier, comme sur certaines monnaies antiques, par exemple RIC Nero 45. Suétone rapporte que Néron a obtenu la couronne de laurier, celle du triomphateur, après avoir accueilli le roi d’Arménie Tiridate à Rome. Néron se faisait aussi représenter orné de la couronne de chêne, ou corona ciuica, symbole augustéenne par lequel il se présente comme le sauveur des Romains.

Pistes bibliographiques pour aller plus loin

  • Grau Donatien. « Néron, héritier d'Auguste : perspectives numismatiques ». In: Revue numismatique, 6e série - Tome 165, année 2009 pp. 129-152.
  • Chastagnol André. « Initiation à l'épigraphie. II : La titulature impériale ». In: Vita Latina, N°124, 1991. pp. 32-37.

4. Pour aller plus loin : Néron et l'incendie de Rome

Le 18 juillet 64, un terrible incendie se déclare à Rome. Il va ravager la capitale de l'empire pendant six jours et sept nuits, causant des dégâts considérables. Les historiens Suétone et Tacite accusent, plus ou moins explicitement, Néron d'être à l'origine de cet incendie dévastateur. C'est le début de la légende noire de l'empereur. Aujourd'hui encore, la question de savoir si Néron est vraiment responsable de l'incendie continue à passionner. En témoignent les nombreux articles et ouvrages qui traitent du sujet : le journal le Figaro, titre un de ses articles du 29 / 11 / 2018 « Néron a-t-il brûlé Rome ? » ; le magazine Le Point, titre quant à lui « Néron l'empereur pyromane », le 20 / 07 / 2014 ; en 2016, Claude Merle publie un polar dont le titre est évocateur, Néron l'incendiaire (collection « Les détectives de l'histoire », Paris, Bulles de Savon). Rouvrons le dossier en repartant des textes antiques que nous mettrons en perspective avec des illustrations plus récentes.

Suétone, Vie de Néron, 38

L'historien qui a vécu à la fin du premier siècle et au début du deuxième accuse très clairement Néron d'être l'auteur de l'incendie. Lisez cet extrait de la biographie qu'il consacre à l'empereur :

Sed nec populo aut moenibus patriae pepercit … Nam quasi offensus deformitate ueterum aedificorum et angustiis flexurisque uicorum,incendit urbem tam palam, ut plerique consulares cubicularios eius cum stuppa taedaque in praediis suis deprehensos non attigerint, et quaedam horrea circum domum Auream, quorum spatium maxime desiderabat, ut bellicis machinis labefacta atque inflammata sint quod saxeo muro constructa erant. Per sex dies septemque noctes ea clade saeuitum est ad monumentorum bustorumque deuersoria plebe compulsa …Hoc incendium e turre Maecenatiana prospectans laetusque « flammae », ut aiebat, « pulchritudine », Halosin Ilii in illo suo scaenico habitu decantauit.

Cependant il n'épargna ni le peuple ni les murs de sa patrie. […] En effet, choqué de la laideur des anciens édifices, ainsi que des rues étroites et tortueuses de Rome, il y mit le feu si publiquement, que plusieurs consulaires n'osèrent pas arrêter les esclaves de sa chambre qu'ils surprirent dans leurs maisons, avec des étoupes et des flambeaux. Des greniers, voisins de la Maison dorée, et dont le terrain lui faisait envie, furent abattus par des machines de guerre et incendiés, parce qu'ils étaient bâtis en pierres de taille. Le fléau exerça ses fureurs durant six jours et sept nuits. Le peuple n'eut d'autre refuge que les monuments et les tombeaux. […] Il regardait ce spectacle du haut de la tour de Mécène, charmé, disait-il, de la beauté de la flamme, et chantant la prise de Troie, revêtu de son costume de comédien.

  • Quelles sont les raisons invoquées par Suétone pour expliquer et attribuer l'incendie de Rome à Néron ?

L'historien Tacite se contente de rapporter des bruits qui courent (Annales, 15, 38-40)

Sequitur clades, forte an dolo principis incertum (nam utrumque auctores prodidere), sed omnibus, quae huic urbi per uiolentiam ignium acciderunt, grauior atque atrocior … peruaserat rumor ipso tempore flagrantis urbis inisse eum domesticam scaenam et cecinisse Troianum excidium, praesentia mala uetustis cladibus adsimulantem. …uidebaturque Nero condendae urbis nouae et cognomento suo appellandae gloriam quaerere.

Ensuite un désastre survint (fut-il dû au hasard ou à la malignité du prince, on ne sait ; car les deux versions ont eu leurs garants), mais ce fut le plus grave et le plus épouvantable de tous ceux que la violence d'un incendie fit éprouver à Rome [...] Le bruit s'était répandu qu'au moment même où la ville était en flammes, le prince était monté sur son théâtre domestique et avait chanté la ruine de Troie, cherchant dans le passé des comparaisons avec le désastre présent. [...] On croyait que Néron recherchait la gloire de fonder une ville nouvelle et de lui donner son nom. (Trad. C. Salles)

  • Quelle raison supplémentaire, que l'on ne trouve pas dans le texte de Suétone, Tacite invoque-t-il ?
  • Quels éléments textuels montrent néanmoins que l'historien est prudent dans la formulation des soupçons qui pèsent sur Néron ?

Du texte à l'image

Surnommé « Robert des ruines », Hubert Robert (1733-1808), a représenté l'incendie de Rome sur une toile peinte en 1785 et conservée aujourd'hui au musée d'art moderne André Malraux, au Havre. Dans cette œuvre, on retrouve son goût pour les sujets historiques et l'architecture. Attention, si après la lecture des textes de Suétone et de Tacite on pourrait croire que le personnage au centre du tableau est Néron, il s'agit en réalité d'une statue de femme.

Incendie Rome Neron Notice Et Pédago2
Hubert Robert, L'Incendie de Rome, vers 1771, Musée d'Art moderne André Malraux, Le Havre.
  • Reconnaissez-vous certains monuments ?
  • D'où vient l'aspect dramatique du tableau ?
  • Dans cette peinture, qu'est-ce qui participe du sublime, notion en vogue à l'époque ?

Remontons dans le temps. Entre 1355 et 1373, Boccace, écrivain florentin auteur du Décaméron, rédige le De casibus, un recueil de 56 biographies de personnages mythologiques et historiques. La biographie de Néron se trouve dans le livre 7. Regardez l'illustration qui l'accompagne dans un manuscrit du XVe siècle et répondez aux questions suivantes :

  • Où se trouve Néron et qu'est-il en train de faire ?
  • Qui peuvent être les deux personnages du premier plan (aidez-vous du texte de Suétone) ?
  • Quels éléments montrent que l'auteur de l'illustration a transposé l'épisode à son époque ?
Néron incendie manuscrit
De casibus, Ms français 230, f. 195v, ©BnF

Par Bénédicte Chachuat
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