
Lucain

Lyon, J. de Tournes, 1559, p. 206, ©BVH.
Après avoir lu la vie de Lucain par Jean de Tournes, vous pourrez :
- tester vos connaissances grammaticales sur le texte
- découvrir ou approfondir un point de grammaire
- vérifier votre compréhension du texte
- étudier le médaillon et sa signification
- en apprendre plus sur la vie de Lucain
- lire des textes latins et français en relation
- découvrir des images en lien avec cette biographie de Lucain
Lisez le texte latin en vous aidant des notes (elles aussi en latin ) et du dictionnaire
Marcus Anneus Lucanus poeta, orator, quaestor
1. Marcus Anneus Lucanus natione Hispanus, patria Cordubensis fuit.
Corduba me genuit, rapuit Nero ; proelia dixi
Quae gessere pares, hinc socer, inde gener.
2. Patrem habuit Lucium Anneum Melam, qui habitus est Senecae et Gallionis frater. Eius natalis traditur anno Vrbis 790, Olympiade 204, consulibus Caio Caesare Caligula et Lucio Caesonio. 3. Delatus ad Vrbem, in litteris Rhemmium Palaemonem, in rhetoricis Flauium Verginium praeceptores habuit. Condiscipulos Saleium Bassum et Aulem Persium. 4. Ad quaesturae dignitatem prouectus est, et in collegium Augurum ascitus beneficio Neronis, in cuius laudem uersus composuerat, qui tamen postea poetae caedem imperauit, Olympiade 211, anno Vrbis 817 , Silio Nerua et Attico Vestino consulibus. 5. Vxorem habuit Pollam Argentariam. 6. Venarum brachii sectione iuuenis adhuc moritur, ut qui nondum aetatem trigenariam uixisset. Eius extant de bello ciuili libri X. carmine compositi. 7. Legitur et hoc in elogium Lucani :
M. ANNEO LVCANO CORDVBENSI
POETAE, BENEFICIO NERONIS CAESARIS
FAMA SERVATA.
Aide à la traduction
En latin le verbe habeo se construit fréquemment avec deux accusatifs : le premier est complément d’objet du verbe, le second est attribut du complément d’objet. L’attribut s’accorde en cas avec le complément, il se met donc à l’accusatif, mais peut être différent pour le genre et le nombre. On trouve plusieurs exemples de ce tour dans le texte :
- Patrem habuit Lucium Anneum Melam : Lucium Anneum Melam est le complément, Patrem est l’attribut du complément : « Il eut Lucius Anneus Mela comme père »
- in litteris Rhemmium Palaemonem, in rhetoricis Flauium Verginium praeceptores habuit : Rhemmium Palaemonem et Flauium Verginium sont les compléments, praeceptores est l’attribut
- Condiscipulos Saleium Bassum et Aulem Persium : il faut sous-entendre habuit ; Saleium Bassum et Aulem Persium sont les compléments, Condiscipulos est l’attribut.
- Vxorem habuit Pollam Argentariam : Pollam Argentariam est le complément, Vxorem est l’attribut
Activités sur le texte
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Parlons latin : répondez aux questions suivantes
- Quando et ubi Lucanus natus est ?
- Quis est pater eius ?
- Quomodo Lucanus mortuus est ?
- Quis imperauit eum mori ?
Lucain, sa vie, son œuvre
Pour en apprendre plus sur Lucain, commencez par inspecter le médaillon
Consultez un commentaire de la notice de Jean de Tournes
Lisez les premiers vers de l'épopée de Lucain, la Pharsale
Bella per Emathios plus quam ciuilia campos,
iusque datum sceleri canimus, populumque potentem
in sua uictrici conuersum uiscera dextra,
cognatasque acies, et rupto foedere regni
certatum totis concussi uiribus orbis
in commune nefas, infestisque obuia signis
signa, pares aquilas et pila minantia pilis.
Nous chantons des guerres plus que civiles dans les champs de l'Emathie, le crime devenu un droit, un peuple puissant tournant son bras victorieux contre ses propres entrailles deux armées de même sang et, rompant l'unité de l'empire, toutes les forces de l'univers ébranlé en lutte pour un commun forfait, les enseignes se heurtant à des enseignes hostiles, des aigles aux prises, et les pilums menaçant les pilums. (Trad. A. Bourgery)
Questions d'analyse :
- Comment la guerre civile est-elle caractérisée dans ces premiers vers ?
- Quels termes expriment la dimension hyperbolique de ce conflit ?
- Comment appelle-t-on la figure de style consistant à employer le même terme à différents cas, comme dans les expressions infestisque obuis signis signa et pila minantia pilis, qui sert au poète à dénoncer la parenté des combattants dans la guerre civile ?
Comparez cette traduction de 1927 avec les premières traductions françaises du poème de Lucain
La première traduction française de la Pharsale est publiée en 1656, à Paris, par Brébeuf, sous le titre La Pharsale ou les guerres civiles de César et de Pompée en vers français. C'est en effet une traduction en alexandrins. Comme il l'indique explicitement dans son "Avertissement au lecteur", Brébeuf ne s'interdit pas de prendre certaines libertés avec le texte latin : "je ne me suis pas attaché servilement ni à ses paroles, ni à ses pensées ... j'ai ajouté, j'ai retranché, j'ai changé beaucoup de choses". Le traducteur n'hésite pas à rivaliser avec le poète latin :
Je chante cette Guerre en cruautez feconde, / Où Pharsale jugea de l'empire du Monde, / Et servant de theatre à de fameux revers, / Mit enfin à la chaîne, et Rome et l'Univers : / Guerre plus que civile où la fureur d'un homme / Fit voir Aigle contre Aigle, et Rome contre Rome
Un siècle plus tard, en 1766, c'est au tour de Marmontel de proposer une traduction du poème, cette fois-ci en prose. C'est cette traduction qui fera autorité jusqu'au début du vingtième siècle, après une révision par H. Durand, afin de la rendre plus proche du texte latin. Il s'agit de fait encore d'une"belle infidèle" :
Je chante cette guerre dont la Thessalie fut le théatre : guerre sacrilege qui mit les lois aux piés du crime ; où l'on vit un peuple puissant tourner ses mains victorieuses contre ses entrailles, l'aigle s'avancer contre l'aigle, deux camps unis par les liens du sang diviser l'Empire, et se disputer le coupable honneur de hâter sa ruine, avec toutes les forces du monde ébranlé
- Relevez les libertés prises avec le texte latin (ordre des mots, choix des termes, omission ...)
- Comment peuvent-elles s'expliquer ? Quels sont, à votre avis, les effets recherchés ?
- Quelle traduction vous semble la plus fidèle à l'esprit de Lucain ?
- Pourrait-on encore accepter de telles traductions aujourd'hui ?
Saurez-vous déchiffrer ces vers sur ce manuscrit du XIe-XIIe siècle ?

Pour aller plus loin : la mort de Lucain
Jean de Tournes, dans la notice biographique, évoque la mort de Lucain en ces termes : Venarum brachii sectione iuuenis adhuc moritur, ut qui nondum aetatem trigenariam uixisset, " Il est mort, encore jeune, en s’ouvrant les veines du bras, lui qui n’avait pas encore vécu trente ans".
Texte complémentaire
L'historien Tacite raconte la mort de Lucain au chapitre 70 du livre 15 des Annales :
Exim Annaei Lucani caedem imperat. Is profluente sanguine ubi frigescere pedes manusque et paulatim ab extremis cedere spiritum feruido adhuc et compote mentis pectore intellegit, recordatus carmen a se compositum, quo uulneratum militem per eius modi mortis imaginem obisse tradiderat, uersus ipsos rettulit, eaque illi suprema uox fuit.
Ensuite Néron ordonne de mettre à mort Lucain. Celui-ci, perdant tout son sang, sentait ses pieds et ses mains se refroidir, puis la vie se retirer peu à peu de ses extrémités, mais son coeur conservait encore la chaleur et le sentiment; il se rappela alors un morceau qu'il avait composé et où il décrivait en une fiction poétique un soldat blessé et succombant au même genre de mort ; il récita ces vers mêmes et ce furent ses dernières paroles. (Trad. C. Salles)
Répondez aux questions :
- En quoi le récit de Tacite est-il dramatique ?
- En quoi la mort de Lucain, d'après Tacite, est-elle celle d'un poète ?
Du texte à l'image
On trouve une représentation de la mort de Lucain dans un des plus anciens manuscrits de la Pharsale, daté du IXe siècle. C'est son propriétaire, un membre de la famille Bouhier, une famille de bibliophiles, qui a fait réaliser cette gravure au dix-huitième siècle pour l'insérer au début du manuscrit.

- Cette représentation s'accorde-t-elle avec le texte de Tacite ?
- Reconnaissez-vous la légende ?
C'est cette même scène que le peintre espagnol José Garnelo a représentée à la fin du dix-neuvième siècle sur une toile monumentale (293x495,5 cm) aujourd'hui exposée au Musée du Prado. Adepte du style naturaliste, José Garnelo s'est particulièrement intéressé aux scènes classiques et aux sujets historiques. Il nous offre l'une des seules représentations figurées de la mort de Lucain.

Répondez aux questions
- Quels éléments, ajoutés par rapport au texte de Tacite, contribuent au pathétique de la scène ?
- Quel(s) objet(s) le peintre a-t-il choisi de représenter symboliquement pour rappeler que Lucain était un poète ?
Ressources bibliographiques
Éditions françaises de référence de la Pharsale
- Bourgery, A. et Ponchont, M. (1926-1930). Lucain, La guerre civile. La Pharsale, texte établi et traduit par A. Bourgery et M. Ponchont, I-II.Paris : les Belles Lettres. 2 volume.
- Soubiran, J. (1998). La guere civile : VI, 333-X, 546. Lucain ; introduction, texte et traduction rythmée, notes par Jean Soubiran. Toulouse : Éditions universitaires du Sud.
Ouvrages généraux sur la vie et l'oeuvre de Lucain
- Ahl,F.M. (1976).Lucan. An Introduction. Ithaca, N. Y. ; London : Cornell University Press.
- Narducci, E. (2002). Lucano : un'epica contro l'impero : interpretazione della "Pharsalia". Rome : Laterza.
Ouvrages collectifs, recueils de contributions et d'articles
- Devillers, O., Franchet d’Espèrey, S. (éd.), Lucain en débat. Rhétorique, poétique et histoire.Actes du colloque international, Institut Ausonius (Pessac, 12-14 juin 2008). Pessac : Ausonius.
- Galtier, F., Poignault, R. (éd.), Présence de Lucain. Clermont-Ferrand : Centre de Recherches A. Piganiol-Présence de l'Antiquité.