
Festina lente chez Alciat
Festina lente dans les Emblèmes d’Alciat
Dans son Livre des Emblèmes, l’humaniste italien André Alciat s’inspire de sources antiques variées, littéraires et iconographiques, pour proposer des poèmes munis d’un titre, et que les imprimeurs vont apparier à des gravures, variables selon les nombreuses éditions de ce petit livre à succès, tout au long du XVIe siècle, et jusqu’au début du XVIIe siècle.
Même symboles iconographiques mais déplacement de sens
L’un des emblèmes d’Alciat, intitulé Princeps subditorum incolumitatem procurans, reprend le motif du dauphin enroulé autour d’une ancre. Le dessin s’inspire fortement de la marque d’imprimeur d’Alde Manuce. Le titre du poème et l’épigramme déplacent cependant le sens par rapport à l’adage Festina lente auquel Érasme dans les Adages avait associé la marque de l’imprimeur vénitien. Il n’y a plus opposition entre le dauphin rapide et l’ancre stable, mais complémentarité. L’ancre devient le symbole de la solidité de l’aide que les princes doivent apporter à leur peuple, et le dauphin, connu dans l’Antiquité pour avoir sauvé des hommes en péril, représente la bienveillance secourable des grands. Comme dans d’autres emblèmes d’Alciat, il s’agit là d’une sorte de miroir du prince miniature et en images, rappelant les qualités dont le prince doit faire montre. Voici cet emblème dans l’édition publiée chez Christian Wechel en 1534 à Paris1.
Princeps subditorum incolumitatem procurans.
Titanii quoties conturbant aequora fratres,
Tum miseros nautas anchora iacta iuuat.
Hanc pius erga homines Delphin complectitur, imis
Tutius ut possit figier illa uadis.
Quam decet haec memores gestare insignia Reges,
Anchora quod nautis se populo esse suo.
Symboles graphiques différents pour un sens voisin
Un autre emblème d’Alciat2 reprend l’idée du Festina lente à travers une variante : Maturandum <est>. Le poème suggère cependant l’association de deux autres motifs, dont la gravure ici présentée a des similitudes évidentes avec la marque d’Alde, tout en étant constitué d’éléments différents : une flèche et un rémora. Ce dernier est un poisson que l’Antiquité pensait capable d’arrêter un navire dans sa course. Le commentaire de l’adage Festina lente par Érasme proposait déjà un rapprochement entre le rémora et l’ancre. De manière amusante, la gravure inverse graphiquement rapidité et lenteur : la flèche, qui prend la place de l’ancre, symbolise la rapidité tandis que le rémora, entouré comme le dauphin autour de la flèche, représente l’arrêt.
Maturandum.

Paris, Ch. Wechel, 1534, p. 56, ©BnF Gallica.
Maturare iubent propere et cunctarier omnes,
Ne nimium praeceps, neu mora longa nimis.Hoc tibi declaret connexum echeneide telum :
Haec tarda est, uolitant spicula missa manu.