Niveau 2

Les années ont passé depuis la création du premier couple, Adam et Ève, et leur expulsion du paradis. Les hommes se sont maintenant multipliés sur la terre. Cependant Dieu, excédé par leurs cœurs, sans cesse tournés vers le mal, décide dans un premier temps d'éradiquer toute vie sur terre. Mais touché par la droiture de Noé et de sa famille, Dieu lui ordonne de construire une arche pour l'abriter avec sa famille, ainsi qu'un couple de chaque espèce animale. Une fois l'arche bâtie, c'est le déluge : les eaux se déversent sur la terre.

1. Découvrons la gravure d'Holbein

Deluge Holbein 1
Le Déluge, recueil des Images des Histoires de l'Ancien Testament, gravure d'Hans Holbein, 1538, f. [A iiii] r°. ©BnF

Première approche

  • Observez et décrivez l'image.
  • Comment l'arche est-elle représentée ? Comment le Déluge est-il rendu ?

Voici la transcription moderne du texte.

NOE iustus iussu domini arcam ingreditur; ceteris praeter se et suos diluuio interemptis, seruatur. Emissis coruo et columba, ex arca egreditur. GENESIS VII.

Voici trois points de grammaire qui peuvent vous aider à comprendre ce texte.

Aide à la traduction

Le passif et le déponent

En latin, de même qu'en français, un verbe peut être à la voix active ou à la voix passive. Pour le passif, voir la page « La création du monde ». Mais le latin possède une troisième voix : le déponent. Ce dernier est en quelque sorte un mixte des deux autres : il adopte la morphologie du passif, mais a un sens actif. Par exemple, le verbe « ingredior » se traduit par « j'entre ». De plus, le déponent peut être transitif, c'est-à-dire qu'il peut avoir un complément d'objet direct. Ainsi, « imitatur patrem » signifie « il imite son père ».

L'emploi du pronom-adjectif «meus, tuus, suus »

Les petits mots sont souvent à regarder de près. C'est le cas de ce pronom-adjectif. Rappelons deux points.
L'adjectif possessif ne s'exprime en latin que s'il est nécessaire. Exemple : amo patrem = « j'aime mon père » ; amat patrem = « il aime son père » ; mais amo patrem tuum = « j'aime ton père ». Il peut aussi s'employer pour ajouter une nuance affective. Exemple : Cornelius meus = « mon cher Cornélius ».
Au pluriel, le pronom possessif peut avoir un sens beaucoup plus large. Ainsi, mei signifie « les miens », que l'on peut traduire par « mes parents, mes proches, mes soldats, mes amis... » et mea, « mes biens », peut également avoir le sens de « ma fortune, mes affaires, mes intérêts, mes actes... » Il en va de même bien entendu pour tui, sui, nostri, uestri, etc.

L'ablatif absolu

L'ablatif absolu est une proposition participiale spécifique au latin. Elle comprend obligatoirement un sujet à l'ablatif et un participe à l'ablatif, tenant lieu de verbe. Cette proposition peut avoir ses propres compléments. L'ablatif absolu peut apporter à la proposition une nuance de temps, de cause, de concession (opposition), ou encore de condition. Cela permet généralement d'en donner une traduction un peu moins lourde en français.
Exemple : Partibus factis, uerba fecit leo. « Les parts ayant été faites, le lion parla », que l'on peut aussi traduire « Après avoir fait les parts, le lion parla », ou encore « Après le partage, le lion parla ».

Relevez les deux ablatifs absolus du texte et essayer de les traduire de manière littérale, puis de manière plus élégante.

Essayez maintenant de traduire le texte. Voir la traduction.

Pour aller plus loin

Regardez maintenant les commentaires en passant la souris sur la gravure.

À sa manière habituelle, le texte met en relief par sa graphie l'élément central de l'épisode, à savoir Noé. La mention de iustus n'est pas non plus anodine : dans l'Ancien Testament, l'homme juste, c'est celui qui trouve grâce aux yeux de Dieu, et son destin s'en trouve généralement changé. Pour Noé, c'est ce qui lui a valu d'être épargné du déluge, d'où l'insistance du texte avec la surenchère des termes indiquant son salut, praeter se et suos et seruatur.

2. Comparons avec un deuxième recueil de Figures de la Bible

Deluge Salomon
Le Déluge. Recueil de Jean de Tournes, Figuration des histoires mémorables de la Genèse, gravure de Bernard Salomon, 1558, f.[ a 7] r°.
  • Quelles impressions suscite en vous cette gravure ? Comparez-la avec celle d'Holbein.
  • Comment l'arche est-elle rendue ?

Voici la transcription moderne du poème.

Claustra patent caeli, pluuiis laxantur habenae,

Vndiuagam fluctus tollit in astra ratem.

Sic quoque uitisator quinto plus mense uagatur,

Donec in amplexus terra resorbet aquas.

Relevez les termes qui relèvent du champ lexical de l'eau.
Découvrez ici la traduction.

3. En ouverture : le déluge dans la littérature antique

Dans la littérature antique, on peut établir des comparaisons entre des mythes qui relèvent de différentes civilisations. C'est le cas pour le récit du déluge, qui ne se rencontre pas uniquement dans la Bible.

L'un des récits les plus anciens que nous ayons d'un déluge est celui de l'Épopée de Gilgamesh, une œuvre mésopotamienne rédigée en akkadien vers 2100 avant notre ère. Dans cette épopée, le dieu Enlil, excédé par le tumulte créé par une race humaine prospère et florissante, envoie trois fléaux successifs suivis du déluge. Un homme est épargné, ainsi que sa famille, son entourage, et tous les animaux qu'il parvient à rassembler dans son arche, grâce à la bienveillance du dieu Ea. Lorsque les eaux se retirent, sont lâchés une colombe, une hirondelle et un corbeau. Les similitudes entre les deux récits sont frappantes.

Un autre récit, bien connu, est à rapprocher de celui du déluge. Il s'agit du mythe de l'Atlantide, rapporté par Platon dans le Timée et le Critias : elle aurait été engloutie suite à des cataclysmes et à un déluge. Enfin, on peut également rapprocher de l'Épopée de Gilgamesh et de la Genèse le début du premier livre des Métamorphoses d'Ovide : Jupiter, irrité par le sacrilège de Lycaon et plus largement par la perversité des hommes, décide d'un déluge dont sont sauvés un couple humain, Pyrrha et Deucalion.

Par Gabrielle Patissou
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